par : George-Henri Melenotte
Sur la cohabitation entre les deux analytiques, les commentaires vont bon train. Comment s’y prend-on pour faire « cohabiter » deux analytiques qui, dans leurs attendus, paraissent incompatibles ?
Pour répondre à cela, dans Suite fantastique : deux analytiques du sexe, Allouch se réfère à la mise à plat du nœud borroméen. Tout d’abord, cette citation – sybilline – de Lacan le 26 janvier 75 : « il y a un rapport avec le sexe en ceci que le sexe est partout là où il ne devrait pas être. » La citation précise : « il n’y a pas, nulle part, de possibilité d’établissement en quelque sorte formulable du rapport entre les sexes. » De ceci, Allouch déduit que Lacan fait ici valoir « un inédit registre du sexuel, tout à la fois différent et voisin de celui qu’à la suite de Freud il avait jusque-là étudié et reconfiguré. » Voisinage et différence sont les deux premiers termes qui indiquent cette cohabitation. Pas de plus par rapport à Freud et Lacan, Allouch écrit : « Ainsi suis-je amené à distinguer deux analytiques du sexe : d’un côté (seconde analytique, celle du rapport), un Autre sexe ; de l’autre (première analytique, on la dira celle de l’objet petit a) un Autre de désir ; d’un côté, un rapport sexuel, de l’autre une loi sexuelle ; d’un côté une normalité manquante, de l’autre une anormalité ; d’un côté une hétérotique, de l’autre une diversité sexuelle. »
La distinction proposée par Allouch est topique. Une critique entendue à cet endroit est celle d’un retour au binarisme. Rien n’est moins sûr. Car il est difficile de s’appuyer sur une catégorie de la première analytique pour récuser la seconde. Allouch : « Voici donc (je souligne ce donc, déductif, important car Allouch ne se saisit pas de cette seconde analytique comme on tiendrait un nouvel objet. Il la déduit faute de pouvoir le faire de façon palpable à ce moment de son élaboration) deux problématiques, deux lieux si distincts qu’ils ont pu se trouver figurés sur deux différentes plages d’un nœud borroméen mis à plat. » Ce qu’Allouch déduit est visible avec le nœud mis à plat. Lacan montre cette distinction des deux lieux. Fait remarquable, Lacan ne l’a pas soulignée, cette distinction. Il n’en a pas parlé comme telle. Il l’a montrée. Ce qui pose, bien entendu, une question de lecture. Car il y aurait à distinguer entre ce qu’il dit, de façon notable et explicite (si j’ose le dire ainsi) et ce qu’il montre et qui est omis dans son discours. Autrement dit, il y a là la thèse d’un discours explicite et, disons le, officiel, et puis un autre, qui évolue en soubassement, implicite (le donc qu’Allouch mettra en titre de son séminaire du 16 octobre : Donc, deux analytiques du sexe), qui demande à être débusqué comme le lapin dans le pré par qui le suit au plus près, et qui ne se contente pas de son dire, mais s’accorde aussi avec l’écriture du nœud mis à plat.
La cohabitation des deux analytiques devient explicite lorsque Allouch ne lit pas la plage du vrai trou comme on le ferait habituellement. Ce lieu du « vrai trou » est à la fois réel et imaginaire. Le bord du symbolique est lu de façon différente : ce bord est le tracé d’une séparation : « cette plage est séparée par le tracé en noir (la corde du symbolique, de l’autre plage où fut inscrit a, la cause du désir, mais d’un désir qui n’est pas, ou plus – pour ainsi le dire – le tout du désir. » L’affaire en peut fonctionner dans la mise à plat du nœud à condition de distinguer la corde du symbolique comme tracé d’une séparation.
Suite à venir.