Margarethe Hilferding
Une femme chez les premiers psychanalystes
Françoise Wilder
Françoise Wilder rend dans cet ouvrage un bel hommage à Margarethe Hilferding, première femme médecin diplômée de la faculté de Vienne et première candidate devenue membre de la société psychanalytique de Vienne.
Une fois admise dans cette société fermée et exclusivement composée d’hommes, elle gardera une posture où seul le travail compte en questionnant cas et textes sans tomber dans la fascination pour Freud. Ses interventions au sein de ce petit groupe sont teintées de sobriété et d’un souci permanent de justesse et de rigueur intellectuelle. Elle ne fait preuve d’aucune concession d’après l’auteur quand il s’agit de spéculation ou d’assertion théoriques non fondées même pas devant Freud lui-même.
« Les institutions sont telles que seul demeure le nom de ceux qui fondent, adhèrent ou collent, ainsi que celui des décollés, des déchirés par conflit. Le nom de ceux et celles qui seulement passent s’efface. On souligne les personnages, les grands collecteurs de transfert, les antagonistes, les traîtres ; on oublie les singularités. L’agon est une puissance d’oubli. » p.8.
L’auteur met donc en lumière Margarethe Hilferding déportée et morte à Treblinka dont l’histoire n’aura que peu retenu le nom mais qui de façon toute singulière a participé à ces rencontres du mercredi soir chez Freud.
Cette femme apparaît, au fil du portrait dressé par Françoise Wilder, à l’écart des querelles de chefferie animant les uns et les autres des participants, uniquement guidée par une curiosité intellectuelle infinie, une force de travail acharnée et un intérêt particulier pour la féminité et la maternité sur laquelle portera son unique conférence devant le cercle du mercredi soir.
Françoise Wilder cherche à saisir tout au long de l’ouvrage la personnalité de cette femme et ce qui l’anime (jusqu’à imaginer un dialogue entre elle et Margarethe Hilferding) ; d’abord à partir de ses origines familiales, culturelles et sociales puis à travers son parcours de femme, de mère et de médecin sans jamais verser dans une psychobiographie stérile jusqu’à sa candidature puis son admission au groupe du mercredi en 1910.
Tout au long de ce portrait, Françoise Wilder dépeint une femme engagée socialement et politiquement au sein du parti social-démocrate dont elle n’a jamais cessé de mettre en pratique les idées au service des plus démunis, les femmes et les enfants. Il s’en dégage l’impression d’une femme libre et courageuse ayant dû surmonter un bon nombre d’épreuves et d’obstacles liés à sa condition de femme au début du XXème siècle.
L’admiration de l’auteur pour Margarethe Hilferding nous est transmise au fil de son écriture et force notre curiosité la concernant.
En outre, au travers du parcours de Margarethe Hilferding et des transcriptions des Protokolle, Françoise Wilder nous transporte à une époque témoignant du foisonnement intellectuel des premiers psychanalystes et de leurs audacieuses trouvailles.
Marion Pernel
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