SEMINAIRE de RECHERCHE 2020-2021
Laure Barillas & Jean-Christophe Weber
« Malaise dans la civilisation ? »
Alors que le printemps de notre mécontentement résiste à se changer en été glorieux du « monde d’après », peut-être convient-il de prêter attention aux signaux qu’adresse, non pas l’épidémie virale actuelle, mais les manières d’y réagir et d’y répondre, individuellement et collectivement. Un éclairage intense et cru n’est-il pas projeté sur ce « monde qui est aujourd’hui le nôtre » ? Ou plutôt, la situation de crise n’offre-t-elle pas une possibilité d’analyse critique de quelques préjugés et croyances dont nous nous sommes bercés jusqu’à une date récente ? Mais encore, le moment présent permet également de jauger la pertinence des analyses critiques portées sur notre monde avant que la crise ne survienne.
Par exemple, comment se transforme, au temps du coronavirus, la quête du bonheur, mot d’ordre de l’happycratie ? La gouvernance par les nombres est-elle confortée, ou au contraire mise en difficulté ? La biopolitique continue-t-elle sur sa lancée, ou est-ce que sa direction s’infléchit, et si oui, dans quelle direction ? La médicalisation de l’existence franchit-elle un seuil qualitatif ou n’a-t-elle fait que gagner en intensité ? Que devient la délibération lorsque des experts prétendent dire ce qui est vrai ? Quelles manières d’être ensemble, quels modes de socialité, quelles façons de fabriquer du commun sont-elles promues, adoptées, imposées ou au contraire blâmées, repoussées, interdites ?
En son temps, Freud définissait le procès culturel, ou processus de civilisation, comme la tentative de s’acquitter d’une tâche assignée par Eros et rendue urgente par Ananké (la nécessité) : la réunion des individus en une communauté ou une masse. Ce texte – Das Unbehangen in der Kultur– a été publié en 1930, dans une époque autrement troublée que la nôtre. L’effet de distanciation (sic !) – temporelle mais aussi théorico-sémantique – qu’il fournit n’est pas la moindre des raisons pour le lire à nouveaux frais. « Unbehagen » pourrait être traduit par « mécontentement », « contrariété », ou par le vieux terme de « mésaise », ainsi défini : situation dans laquelle on est privé d’aise, de bien-être, de confort, physiquement ou moralement. Confinés, masqués, séparés : c’est déjà physiquement que nous sommes mal à l’aise, en état de dis-ease.
Ce séminaire a pour but de déterminer quelques traits caractéristiques du mal-aise actuel, pour éviter que les thérapies qui ne manquent pas d’être suggérées n’aggravent notre malheur.
Modalités pratiques :
Les séances du séminaire auront lieu le mardi de 16h à 18h : les 20/10, 17/11, 1er/12, 15/12, 12/01/2021 et 2/02.
Lieu : salle 16 du bâtiment d’Anatomie, au cœur de l’hôpital civil de Strasbourg
Le séminaire est ouvert à toute personne désirant mettre ces questions au travail.
Demandes d’inscription (en-dehors des étudiants du Master d’Ethique) : adresser un mail à jean-christophe.weber@chru-strasbourg.fr.