Philosophie de la médecine – Ethique clinique
SEMINAIRE de RECHERCHE 2021-2022
Jean-Christophe Weber
FAIRE CAS
Le cas est ce qui échoit, rappelant l’étymologie latine du mot cas, de cadere (tomber), le cas est ce qui s’impose au médecin comme une tâche. Ce qui est à faire lui arrive, lui tombe dessus : il y a dans le cas l’idée d’un événement fortuit. A partir de ce sens primordial et neutre – le cas comme situation concrète que le médecin affronte – se déploie une polarité sémantique. Être traité comme un cas, n’être considéré que comme un cas, tel est parfois le reproche adressé par les malades aux professionnels de santé et aux organisations de soins, qui négligeraient, par désinvolture, de reconnaître la personne comme elle l’espère. A l’autre pôle sémantique de « cas », on trouverait alors l’expression « faire cas » du malade, pour signifier l’estime portée à l’individu soigné. D’un côté le cas réduit à l’instance d’une entité morbide, de l’autre côté faire cas de… l’individu ?, du sujet ?, de la personne ?, l’intégrer en somme dans ce qui fait cas et qui mobilise l’attention, les connaissances et les savoir-faire du médecin.
Cette opposition sémantique traduit une tension épistémologique rarement explicitée alors qu’elle n’est pas sans conséquences pratiques et éthiques. Cette tension porte sur ce qui constitue l’objet spécifique de la médecine : est-elle la science des maladies, ou bien son objet est-il le malade ? Ce dernier a-t-il raison de protester qu’on fait, dans un cas comme dans l’autre, peu de cas de sa subjectivité, ou encore de sa personne ? Ces concepts sont-ils pertinents pour la clinique ? Mais aussi, on se trouve de plus en plus souvent confronté à des récits qui débutent ainsi : « J’ai été diagnostiqué X ». Se ranger soi-même comme le cas d’une catégorie, supposée bien définie, est-il l’adoption d’une identité d’emprunt, ou l’explication des plaintes qu’il ne faut plus questionner, ou une revendication d’appartenance en attente de reconnaissance ? Peut-on entendre la singularité dans une ventriloquie apparente apprise sur les réseaux sociaux ou à travers des questionnaires en ligne (la plupart des Xés énoncent leurs symptômes d’une manière similaire) ?
Comment en faire cas ?
En arrière-plan de ce questionnement sommaire, on trouve une série de problèmes afférant aux méthodes, aux savoirs et aux pratiques de la médecine, qui se nourrissent à la source d’une même énigme : comment le langage et le corps font-ils commerce ? La médecine doit-elle se résoudre à occuper un champ où science et pseudoscience se chevauchent ? Barthes estimait que le rôle de la littérature est de « représenter activement à l’institution scientifique ce qu’elle refuse, à savoir la souveraineté du langage ». Comment le médecin peut-il s’en emparer ?
Modalités pratiques :
Les séances du séminaire auront lieu le lundi de 16h à 18h : 18 octobre, 8 novembre, 13 décembre 2021, 10 janvier 2022, 31 janvier, 28 février.
Lieu : une salle (en général salle 16) du bâtiment d’Anatomie, au cœur de l’hôpital civil de Strasbourg
Le séminaire est ouvert à toute personne désirant mettre ces questions au travail.
Il est ouvert à toute personne intéressée. Les étudiants qui souhaitent le valider dans le cadre d’un master ou d’une formation doctorale sont priés de se faire connaître dès la première séance.
On s’inscrit par simple courriel adressé à jean-christophe.weber@chru-strasbourg.fr